Louis-Robert POURE, marin malchanceux ?

Le retour des corsaires en 1806 Maurice ORANGE

Le retour des corsaires en 1806 Maurice ORANGE

Quelle aventure que la vie de Louis-Robert POURE ! Né à Boulogne en l’année 1741, il est élevé « dans le jus » du métier de mer dès son plus jeune âge. En 1759, il entre à l’école de canonnage de Calais, et y reste un an, assez pour rentrer à Boulogne prendre part à la course.

En 1764, il fait partie de l’équipage du Capitaine DUHAMEL. Le 3 juillet sa gabarre appareille de Boulogne, pour… être prise, le 6 ! Infortune de mer, peut-on dire… Emmené en captivité à Chichester, il est « déplacé » à Winchester… et n’y restera que six mois ; évadé, il gagne Portsmouth à pied, et s’y engage sur une goélette mixte qui fait voile vers Porto. Une première, dans cette vie qui ne fut pas celle d’un corsaire des plus heureux, bien que vaillant.

Du Portugal, il réussit à gagner Marseille, où il s’engage sur Le Guerrier, navire corsaire du Capitaine COLLET. Avec ce bateau de 12 canons de 4 livres, POURE participe à la prise d’un navire sur le retour de la Jamaïque. La capture est belle, avec ses 300 tonneaux. Et notre corsaire fait parti des heureux élus qui vont la conduire au port du tribunal de prise… Las ! L’ennemi reprend son bien peu de jours plus tard, et voilà Louis-Robert prisonnier de guerre, une nouvelle fois. Il profite d’une escale à Vigo lors de son transfert, pour s’évader à nouveau. Il rejoint une frégate de la Royale, pour s’y engager comme simple matelot. Ainsi, il regagne la France et touche terre à Bayonne.

Voulant rejoindre Boulogne, il s’engage sur un trois-mats corsaire, dont les 14 canons doivent lui inspirer confiance… Le lendemain de sa mise sur le rôle d’équipage, son navire est capturé par le Royal Guillaume, qui conduit d’abord sa prise dans la rade de Barqué, puis enfin l’équipage corsaire de celle-ci à Plymouth… Les pontons sont en vue… Né en pays de tous vents, Louis-Robert a besoin toujours, de prendre la file de l’air. Plusieurs fois, il tente de s’évader, comme un soldat doit le tenter. Toujours, il est repris. Le Traité de Paris, signé entre la France, l’Espagne, et la Grande Bretagne le 4 mars 1763, lui permet de rentrer en France avec les honneurs de la guerre. Il débarque à Morlaix.

Louis-Robert, maintenant en paix avec l’Angleterre pour raisons d’armistice, trouve alors à s’engager comme Second sur la Marguerite, port d’attache Boulogne, qui sert au transport de commerce avec nos voisins d’Outre-Manche… quand, lors d’une relâche dans la baie de Plymouth, en 1765, les habits rouges montent à bord.
La Justice anglaise accuse en effet le Capitaine de se livrer à de la fraude, de la contrebande ; sous ce prétexte, ils saisissent la cargaison( de l’eau-de-vie… ), brûlent le navire, et mettent l’équipage en prison…
Cette fois, le malheureux Louis-Robert ne tentera pas de s’échapper ; il « tirera » toute sa peine, quatre mois et demi passés dans la prison d’Exeter.

C’est en 1766 que notre ami connaîtra deux nouvelles et tristes expériences… A bord de la Sainte Catherine, alors qu’il convoie un chargement d’ardoise, il voit son bateau abordé dans la brume par la Dame Dorothée, une galiote hollandaise. Dire que celle-ci vient de Stavoren, en Frise, pour croiser sa route, entre Nantes et Boulogne, et couler son navire… la « poisse » existe-t’elle ? S’acharne-t’elle sur Louis-Robert POURE ? -Même s’il est rescapé du naufrage( il en est d’ailleurs le seul survivant, grâce à ses talents de nageur ), et que les Hollandais le secourent pour le débarquer à Lorient quelques jours plus tard, c’est bien le 29 décembre de la même année qu’il fait naufrage à l’ile des Glénans. Cette fois, tout l’équipage est sauf, au moins…

Suit une période sans accidents ni incidents, de quelque sorte que ce soit. En 1778, Louis-Robert accomplit deux voyages avec La Boulonnaise, gabarre du Roi construite à Boulogne, de la capitale de la Côte d’Opale à Brest. Le 20 juin de cette année-la, il est reçu Capitaine au long cours. Tout le ciel semble s’être éclairé sur la route de notre marin.

Sous ces heureux auspices, Louis-Robert reprend la course, en 1778 toujours. En septembre, une première course ne rapporte rien. Il ré-embarque donc à Dunkerque, comme Second du Capitaine NICOLAY, le 15 janvier 1779. Le corsaire, armé de 6 canons de 12 Livres, rencontre un Anglais bien mieux armé que lui, et doit baisser pavillon. Cette cinquième réclusion sera bien longue… Louis-Robert POURE s’échappe, mais est repris à Douvres. Déplacé dans le Kent, puis à Wakefield dont bien peu se sont échappés, il attendra « au trou » quinze mois avant d’être rendu à sa patrie, lors d’un échange général. Débarqué à Calais, il se met aussitôt en route pour regagner Boulogne, bien décidé à reprendre la mer contre l’ennemi.

Il la reprend sous les ordres du Capitaine SOUBITEZ, qui commande le Comte DAVAUX, un brigantin de 12 canons, 2 pierriers et 24 espingoles, monté par 40 hommes d’équipage. Le navire appareille de Boulogne le 28 novembre 1780. Arrivé près de la côte anglaise, ce bon navire est pris en chasse par une frégate de la Royal Navy, qui, le rejoignant, lui envoie des bordées dans la coque. Le Comte DAVAUX fait eau. On tente quand même de résister, mais la différence entre les deux bateaux est trop importante. Il faut amener le pavillon, et se rendre. On met le canot à la mer, et les Anglais qui ont coulé le corsaire, aident au sauvetage de l’équipage français. En cela, une goélette de Sa Majesté vient en aide. L’équipage est sauvé. Le Capitaine meurt à bord de son bateau, qui sombre. Revoilà donc notre corsaire prisonnier des Anglais, le 12 décembre 1780. Jamais cinq, sans six…

Il reprend la mer sur La Bonne Intention, qu’il commande, en décembre 1788. Il fait œuvre de transport de commerce. Alors qu’il traverse une tempête, un grelin le frappe de côté, à la volée( -grelin : « Ensemble de plusieurs cordages câblés ensemble en sens inverse des cordages correspondants, et qui sert à l’amarrage et au remorquage des navires. » ).
Jeté à l’eau par le choc, Louis-Robert POURE rejoint le bord. Il souffre horriblement de la cuisse, et il faut appeler le chirurgien… le Capitaine POURE meurt des suites de ses blessures, en janvier 1789, à l’âge de quarante-huit ans.

Avec une carrière de mer de moins de trente ans, Louis-Robert POURE a été fait six fois prisonniers, et a été deux fois naufragés. Il est mort d’un accident de mer. Certains diront -et d’autres l’ont déjà dit ! -qu’il était malchanceux…

Admettons que s’il ne s’était pas échappé si souvent, les Anglais n’auraient pas eu à lui courir autant après. Sa carrière fut vaillante.

 

 

Bibliographie :   -Echec à NELSON -( Les Corsaires Boulonnais de la Révolution à               l’Empire   ). ABC2E

-Dictionnaire LAROUSSE.
Webographie :   -http://www.descendants-capitainescorsaires.org/res_recherche.php

-http://data.bnf.fr/12007694/tribunaux_de_prises/

-http://fournetmarcel.free.fr/corsaires.htm

-http://threedecks.org

-http://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/cndtraite_Paris_1763.htm

A SUIVRE…