Théodore DUPUIS, soldat à vie.

Colonel DUPUIS

Le buste du monument funéraire du Colonel DUPUIS.

Rien ne prédispose Théodore DUPUIS, lorsqu’il naît le 25 juillet 1 796, à choisir la carrière des armes. Ses parents, Jean-François DUPUIS et Geneviève VAUVELLE, habitent l’intérieur de la Vieille Ville de Boulogne. Au numéro un de la Rue Porte-des-Dunes, ils exploitent un cabaret et sont marchands de boissons. Un marché aux bestiaux se tenant à l’extérieur des remparts, tout près de l’endroit, le père a trouvé logique de restaurer et de désaltérer les exposants et acheteurs qui arrivaient en ville le gosier sec.

Henri MALO, l’historien boulonnais, n’a rien rapporté de l’enfance ni de la scolarité de Théodore. Toujours est-il que ce dernier s’engage dans l’Armée, à son seizième anniversaire. Comme tous ceux qui ont rejoint l’Armée dans les dernières années de l’Empire, il va connaître un dur baptême du feu. Intégré au 29° Régiment d’Infanterie Légère, il va dès sa première année de service en connaître toutes les missions : Jalonnements, combats de Tirailleurs, d’embuscades, d’escarmouches et de renseignement…

C’est alors qu’il se bat à la Bérézina qu’il est fait prisonnier par les Russes. Il s’évade, et rejoint les rangs sept semaines plus tard. C’est à ce moment que ses qualités vont le faire remarquer. Muté au 8° Régiment d’Infanterie de Ligne, il sera des dures campagnes d’Allemagne et de Saxe en 1813. Il est de la bataille de Dresde, et assiège Mayence. Étant lettré, discipliné, courageux, il se voit nommé fourrier le premier mars 1813. Son nouvel emploi ne le met pas à l’abri d’une promotion. Ses qualités et l’importance des pertes subies par les rangs de bataille font qu’il est nommé Sergent le 15 mai de la même année, Sergent-Major le lendemain( ! ), puis enfin Adjudant le 20 novembre. En une seule année, le bon soldat est devenu Sous-Officier Supérieur. Jusqu’à Waterloo, il sera encore de la Campagne de France puis de celle de Belgique. Napoléon plus que jamais, court à sa défaite, en gagnant des batailles avec les jambes de ses soldats.

C’est la fin, tout semble perdu. Théodore DUPUIS est nommé Lieutenant et devient ainsi Officier le 3 juillet 1815. Alors que son Régiment n’est plus qu’au tiers des effectifs de l’année précédente, il suit la retraite de celui-ci vers la Loire. L’Armée Impériale devient Armée Royale sous la domination de nouveaux maîtres. Son grade de Sous-Lieutenant n’est pas reconnu, et sa promotion fulgurante semble devoir s’arrêter. Le Royaume licencie l' »Armée de la Loire » et il est renvoyé dans ses foyers le 20 octobre 1815. Que va bien pouvoir faire l’Adjudant DUPUIS, lui qui n’a connu en termes de métier que trois ans de guerre ?

Mais sous Charles X, les Légions Départementales sont créées, placées sous l’égide du Maréchal Gouvion Saint-Cyr. Celle du Pas-de-Calais recrute Théodore. Le 31 mars 1819, il est promu Sous-Lieutenant de nouveau, et cette fois définitivement. L’Officier rejoint le 32° Régiment d’Infanterie et part pour faire campagne en Espagne en 1823.

Il obtient son épaulette de Lieutenant en 1827. Le Général Comte d’Hénin le remarque, et lui fait obtenir le grade de Capitaine le 20 août 1831. Son intelligence, son expérience ainsi que sa volonté farouche de servir lui vaudront d’obtenir la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur moins de cinq ans plus tard. Il devient Major le 29 mai 1842, et prend la fonction de Chef de Bataillon par la suite. Jugé apte à devenir Officier Supérieur, il embarque avec ses Hommes pour l’Algérie, le premier octobre 1843.

Il se conduit en héros à la bataille d’Isly, rompant l’encerclement avec deux bataillons. Il exfiltre ainsi les blessés et les malades de la zone des combats. Il y revient ensuite, et réussit à amener en ligne des renforts, des vivres et des munitions. Par cette action rondement menée, le Major DUPUIS gagne la rosette d’Officier de la Légion d’Honneur. Le Général PELISSIER lui octroie un congé de convalescence en 1846 en raison des fatigues endurées. A la suite de quatre années passées à guerroyer en Afrique du Nord, Théodore est de retour en France avec son régiment. Affecté au 57° Régiment d’Infanterie de Ligne, il lui sera ordonné de « mettre de l’ordre » aux émeutes à Marseille. Il commande à cette occasion 2000 Hommes. Le 11 novembre 1848, le Commandant DUPUIS est nommé Lieutenant-Colonel, et passe au 2° de Ligne.

Les années qui suivent la Révolution de 1848 sont fertiles pour la France sur le plan politique, et calmes pour les militaires habitués à de plus rudes conditions. L’Officier Supérieur fréquente les salons, la bonne Société, dans laquelle on l’apprécie. Il met également son temps libre à profit pour étudier. Il est avide d’apprendre, tant en termes de savoirs militaires, que de connaissances générales.

Il reviendra au 57° de Ligne en 1852, promu Colonel en tant que Chef de Corps. Napoléon III a besoin pour réaliser ses projets d’une Armée bien organisée. DUPUIS voit alors sa carrière récompensée par la confiance qu’on lui fait.

Napoléon III, en même temps que l’Angleterre, déclare la guerre à la Russie le 27 mars 1854. Au mois de juin les premières troupes arrivent, et activent les camps de Boulogne, d’Honvault, de Wimereux et d’Ambleteuse. Fin septembre, Théodore arrive à Marseille et y fête sa cravate de Commandeur de la Légion d’Honneur.

En Crimée, les deux armées s’enlisent ; faute d’avoir emmené de la Cavalerie avec elles, elles perdent le contact avec les corps de troupes russe. Le Maréchal SAINT-ARNAUD meurt du choléra, le commandement connaît une vacance temporaire… et Sébastopol mettra une année à tomber. Les deux alliés s’y livrent à un siège coûteux en soldats, et le froid, la pluie, la dysenterie et le choléra s’ajoutent à nos ennemis. Pendant tout ce temps, la silhouette du Colonel DUPUIS est familière aux soldats des premières lignes. Il est partout, observe, corrige, régule, conseille, se tient au courant. Il est blessé légèrement plusieurs fois.

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La prise de MALAKHOV, guerre de Crimée.

C’est le 8 septembre 1855 que l’attaque générale est lancée. Théodore DUPUIS a pris ses dispositions testamentaires le matin. Un ami recevra 2000 Francs. 200 Francs au Sergent et au Caporal les plus méritants de son Régiment. Notre Dame de Boulogne recevra sa Croix de Commandeur. En donnant les ordres à son Unité, le Colonel DUPUIS dit : »On ne s’occupera pas des blessés, et si moi-même je suis frappé, qu’on me laisse sur place, qu’on marche en avant, toujours en avant, sous le commandement de celui qui me remplacera. »

Dès le début de l’assaut, Théodore est blessé à l’aisne. Il refuse de quitter le champ de bataille. Il se fait aider par un Caporal, et continue à avancer avec ses Hommes. Dans une seconde tentative, il est touché par une balle. Aux Sapeurs qui veulent le ramasser, il rappelle son ordre du matin. « Ne pas s’occuper des blessés ». Lorsque les Russes arrivent, il choisit de combattre seul. Il est sabre à la main. Son corps sera retrouvé après la victoire.

En 1929, Henri MALO écrira encore de lui ceci : « La simplicité et la grandeur de cette vie sont émouvantes. Un jeune homme, presqu’un enfant, enthousiasmé par les gloires de l’épopée et l’amour de son pays, s’engage. Par son seul mérite, par sa seule valeur, il gravit un à un un les échelons de la hiérarchie militaire. Il s’instruit. Une existence de travail, de droiture, de modestie, de courage tranquille, d’abnégation. Il s’élève par la seule force de ses vertus. A peine témoigne t-il une légère déception en voyant combien on est long à reconnaître ses services. Il a une trop haute valeur morale pour se plaindre. Le don de soi entier et absolu couronne héroïquement cette carrière si noble, si désintéressée, et parachève le magnifique exemple que le Colonel DUPUIS lègue à la postérité. »

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